Croyez le ou non, mais entre la musique électronique et l'Iran, c'est une histoire d'amour qui dure depuis très longtemps. D'après le texte d'Alireza Farhang que j'ai devant les yeux, les premières tentatives remonteraient aux alentours de 1965 et la première oeuvre d'envergure internationale, signée Alireza Mashayekhi (qu'on trouve compilé chez Sub Rosa), date de 1966. On a d'ailleurs pu entendre la chose en Occident dès 1970, dans le coffret Electronic Panorama de la mythique collection de Philips Prospective 21ème siècle, soit un an avant la création à Shiraz du monstrueux Persepolis de Xenakis, considéré comme le passage de flambeau fondateur de l'école électronique locale.
L'explication de cet essort étonnant serait dû à trois raisons majeures: des élans de plus en plus prononcés vers l'Occident sous l'impulsion du Shah et vers l'avant-garde sous l'impulsion de sa dernière femme Farah Diba; une prédisposition naturelle à confondre musique et mathématiques au pays natal de l'algèbre; et un vrai Département de musique moderne intégré aux Beaux-Arts de Téhéran dès 1965.
Né en 1947, Dariush Dolat-Shahi a découvert la musique électronique en Hollande au tout début des années 70 alors qu'il étudiait la composition à Amsterdam, avant d'être envoyé à Columbia par l'état iranien dans la perspective très précise de développer un département de musique électronique au sein de la radio-télevision nationale.
Réalisé quelques années, une révolution islamique et un exil aux Etats-Unis plus tard, Electronic Music, Tar and Sehtar est en rupture totale avec la musique électroacoustique hardcore de Mashayekhi et des profs de Dolat-Shahi au Columbia-Princeton Computer Music Center comme Vladimir Ussachevsky. Devenu une sommité universitaire sur la musique iranienne (notamment le radif) sur le sol américain, l'Iranien a logiquement évolué vers des propositions hybrides, intégrant autant les séquences de synthé modulaire Buchla que le târ (luth) et le setâr (luth à trois cordes et à manche long).
Inscrit au fameux catalogue Folkways, son oeuvre est pile-poil au croisement de la sucrette orientaliste, de l'expérience electroacoustique minimale et de la connerie new-age, avec piaillements d'oiseaux et tapis de pluie. Conséquemment, c'est assez fastoche à écouter et parfois, souvent, assez fulgurant de beauté. La raison pour laquelle on vous en cause, c'est que les gens de Demdike Stare et Andy Votel le rééditent en LP sur Pre-Cert Home Entertainment. Comme il est encore dispo sur Ubu en intégralité (tout comme Otashgah, bonheur acousmatique plus ardu), on s'est dit qu'on pouvait bien vous le faire écouter.
Pour ceux dont on aurait piqué la curiosité, on vous conseille aussi de faire un tour sur ce site dingo auquel on ne comprend presque rien, mais qui comprend plusieurs reproductions d'artefacts incroyables, dont cette édition en farsi de L'existentialisme est un humanisme de Jean-Paul Sartre.
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