Patrick Higgins "Social Death Mixtape" (NNA Tapes)
Avec son groupe Zs (minimalistes no wave et bruitistes de Brooklyn), Higgins semble parfois composer l’album que Battles n’arrive pas à sortir. Seul, il sort une vraie mixtape, associant divers exercices et morceaux réalisés entre 2009 et aujourd’hui, spécifiquement pensés pour le format cassette - œuvre vivante se déformant à l’usure de la bande. Ici, Higgins cherche l’erratique, la sérendipité - voire l’erreur harmonique - dans les musiques répétitive (le minimalisme américain, Riley et Glass en tête) et concrète. C’est truffé de citations comme de temps réels improvisés et Higgins en sort auteur d’un sérialisme discontinu et percuté. Une expérience physique relativement éprouvante, offerte par NNA Tapes. MD
Paul Jones "No Call From Rasmus While Jogging" (Das Andere Selbst)
C'est tout à la fois la cassette la plus étrange et la plus émouvante de ce batch. Lointainement associé au mythique label Flying Nun (il a produit un album de Ghost Club) et co-taulier du label londonien Stolen Recordings (Bo Ningen, Jeff the Brotherhood...), le Néozélandais Paul Jones fait partie de cette belle race de guitariste de chambre à coucher qui s'enregistrent comme ils respirent sur des beaux enregistrements intimistes où on les entend respirer (et regarder la télé). Quelque part entre Pentangle, l'éternel Fahey du Delta (quand il attrape le slide) et les pavanes lacrimales ancestrales de John Dowland, Paul Jones fait quelque chose de très beau avec son spleen et ses dix doigts. Par contre, ne nous demandez pas d'expliciter le titre, parce qu'on ne sait niquedouille de ce qui se trame derrière cette histoire de Rasmus qui devait appeler pendait qu'on courait. OL
Varg "Under The Roman Lash" (Ascetic House)
La moitié du toujours étonnant (et péniblement prononçable) D.Å.R.F.D.H.S (que tu as adoré chez Opal Tapes) connaît une carrière solo (devrait-on dire solitaire) tout aussi brillante dans l’obscurité. Dompteur de bruits blancs à ses heures perdues, Varg aime la techno hyper filtrée, crépie au toucher, du gravier dans le souffle. Rien d’étonnant à ce que nous le retrouvassions naguère dans un label d’amoureux de la techno en braille, le Northern Electronics d'Abullah Rashim. Le Suédois aime les visions abstraites où l’on distingue la machine en branle, au loin, dans le nuage électrique. C’est en substance la peinture qu’il déroule dans cette cassette parue chez Ascetic House, où l’on retrouve ses inclinaisons pour le black metal (tout est dans le prénom) qui se consume dans l’ambient, ses évocations noise et ses fixettes indus. Un type bien en somme, qui affectionne la chair de poule comme matière première. MD
La Forêt Rouge "Hors de tout doute déraisonnable (Trilogie du doute II)" (Small Scale Music)
Keep Québec Weird. Adoubé par François Couture, le John Peel de la musique expérimentale nord-américaine, ce trio basé à Salaberry-de-Valleyfield aux ramifications nombreuses (de Crabe à Gens Chrétiens ou Monocytes, la liste des groupes dont on n'a jamais entendu parler dans lesquels ses membres sont passés est longue comme le bras de Dwayne Johnson) fait dans le proto post avant rock improvisé, ascendant zeuhl mais pas trop, surtout accroché à son indépendance et sa liberté. Placé sous le patronage bien pratique du doute, La Forêt Rouge n'utilise donc aucun mot, aucun riff trop reconnaissable, mais refuse surtout de ne pas s'amuser. Hors du doute raisonnable coule plutôt comme un vieux disque de The Red Krayola que comme un pensum de musique improvisée. OL
Moon Wheel "Okänt Land" / "Firmament" (Where To Now?/ Habitat Tapes)
Un Suédois qui a vadrouillé dans les scènes expérimentales de Melbourne et Berlin. Du drone vagabond et organique, du psyché aux idées larges. Une cassette composée avec le mouvement du ciel que l’on fixe la pupille dilatée. C’est Olle Holmberg, auteur d’Okänt Land, une très belle sortie chez Where To Now? qui trouve son architecture dans un triangle Eno - Tangerine Dreams - Boards of Canada. Votre cœur tambour battait à tout rompre ces derniers temps à l’annonce d’une rétrospective Harmonia (chez Groenland Records). Holmberg, lui, leur rend hommage à sa manière durant les trente minutes de Firmament. Ça sort chez Habitat Tapes et ça peint de mémoire toute la carrière du groupe de Roedelius et Rother. MD
Beatrice Dillon "Face A/B" (Where To Now?)
Et puisqu'on parle de Where To Now?, glissons une parenthèse hors-sujet mais pas tout à fait à propos du nouveau maxi de la Londonienne à lunettes Beatrice Dillon dont on vénère la cassette de fausse musique ethnique sortie chez The Trilogy Tapes (Folkways II) et qui accomplit ici l'exploit de faire un bon morceau de dub techno avec un saxo free bruit façon Peter Brotzmann ou Eric Dolphy. L'auteur de ces deux lignes précise qu'il est tout à fait conscient du caractère total tête à claque de la phrase qui précède celle-ci, mais qu'il est surtout le premier surpris d'apprécier autant un objet si ostensiblement, si agaçament arty. OL
Philip Corner "Through More Than The Mysterious Barricades" (Sacred Tapes)
Le label Sacred Tapes n’a que rarement aussi bien porté son nom. Dernière sortie en date : Philip Corner, interprète redoutable de Satie, élève de Messiaen et (l'un des) fondateur(s) de Fluxus interprète un poème de François Couperin : Les Barricades Mystérieuses. 95 minutes de transe, d’improvisation, de majesté que bien peu de mots résumeront justement. MD
Dialect "Gowanus Drifts" (1080p)
A tous ceux qui vous demandent comment vous pouvez diantre perdre votre temps à vous infliger l'écoute d'une énième cassette de musique synthétique planante la semaine où sort la collab' camée au Posca fluo de Miley avec les Flaming Lips, faites leur donc écouter "Waterfront Epiphany", la merveille qu'on trouve en deuxième plage de cette immense cassette du Liverpuldien Andrew PM Hunt. Et observez, en temps réel, le résultat inéspéré de cette perche d'amour tendue sur la partie superficielle de leur organisme, la pupille dans l'oeil torve se qui se dilate, les petits poils qui font le duvet sur leurs avant-bras qui se décollent du derme comme autant de tournesols qui s'arrachent à leur condition de végétal immobile pour suivre la révolution du soleil, le sourire involontaire qui illumine délicatement leur visage abonné aux mimiques peu engageantes du genre qu'inspire une excursion vers le phare au bout de la jetée un mercredi pluvieux de juillet alors qu'on préférerait franchement qu'il fasse un soleil de plomb pour aller s'évanouir sur la plage entre une baignade, une chamaillerie et un chapitre du dernier Ellroy. OL
I Am Just a Pupil "12hrs FULL RELAXATION" (1080p)
Joshua Clark, curieux individu issu de (cette curieuse région qu’est) la Caroline du Nord vient de faire paraître une cassette chez 1080p qui contient l’exact contraire de son nom. Tant mieux. 12hrs FULL RELAXATION est un objet aussi bizarre qu’intrigant et drôle. À vrai dire, Clark réalise ici un exercice d’illustration sonore, orchestrant des films de famille ou autre bande-son issues de vidéos promotionnelles ou sans intérêt, ni objet. Réalisée avec une grande intelligence et une ironie très fine, la cassette peut voir des nocturnes ou des envolées ténébreuses d’un modern classical type Sean McCann dégénérer en une engueulade de famille ponctuée sur un coup de feu. Autre épisode, Clark compose avec une justesse terrible, une horreur que l’on ne trouverait d’ordinaire que dans un téléfilm romantique de troisième zone pour se prolonger et illustrer le récit (distordu) d’une femme et des dernières années de sa mère. Clark cultive les harmonies et genres interdits, c’est sordide, malaisant mais… étonnamment beau… MD
The Funs "Golden Skuzzers vol.1" (No Lagos Musique)
No Lagos musique n'est pas seulement un (micro)label, c'est aussi un fanzine, édité par un certain Thomas Dunoyer qui a monté tout ce bazar cette année et qui a aussi son propre groupe, mamiedaragon, édité lui aussi sur No Lagos de manière on ne peut plus artisanale. Ne parlons même pas de D.I.Y ici, ça voudrait déjà dire que Thomas a un programme. Non, No Lagos serait plutôt une somme d'impressions directes, de bruits, de collages sonores sur cassette qui tiennent compte de ses pérégrinations diverses (principalement aux Instants Chavirés). En résumé, de la musique concrète pour de vrai. Dernière cassette sortie en août: celle de The Funs, duo garage batterie/guitare qui n'a rien à voir avec de la musique concrète ou de la noise, mais plutôt une sorte de shitwave punkisante enregistrée sur un 4 pistes pourri et qui ne tient debout que grâce à ses mélodies crassouilles qui collent au palais, un peu comme si Pavement revisitait le garage 60's versant Back from the Grave. Vite, la suite. MAB
Graham Dunning "Noise Club vol.4" (Fractal Meat Cuts)
Graham Dunning n'est pas comme vous, lui ou moi. Il ne fait pas sa techno avec Ableton et Youtube, mais avec du scotch, une platine à 4 étages, une paire de sécateurs. Pour Noise Club vol. 4, il a répondu à l'appel du compositeur Robin Foster, qui invitait 11 artistes à un grand jeu de cadavre exquis, dont le principe consistait à "enregistrer chacun un son puis à produire un morceau avec chacun de ces sons puis d'envoyer le résultat aux autres participants". Pour sa participation, Dunning a utilisé "boucles de bande, sampling en temps réel, séquenceurs mécaniques, mixage live, et détournement de bande à la Burroughs". Pulsé, accesible et très mystérieux, le résultat évoque tout autant le blues mécanique de Pierre Bastien, les poèmes supersoniques d'Henri Chopin ou quelques les vieux bidules de Mouse on Mars. C'est plus séduisant que ça en a l'air. OL
Various Artists "Frquency Adjustements Volume 3" (Cerberus Future Technologies)
S'il y a une cassette ce mois-ci dont vous regretterez à n'en pas douter qu'elle ne soit pas un triple LP, ça sera ce troisième volume des aventures semi-collectives (on parle de deux, trois mecs qui aiment bien se mélanger) du label mancunien Cerberus Future Technologies. Deux générations après la fermeture de l'Haçienda, les gamins des faubourgs du nord continuent à jongler avec l'acid et le fluo et on n'a, en gros, rien entendu d'aussi charmant, littéral et frais de la part de tweakers de freewares depuis les débuts de Ceephax Acid Crew. OL
The Petrified Heart of an Air Whale "Red Orkan's Club" (Hylé Tapes)
Etonnant de constater à quel point la cassette est en train de devenir le format de choix d'une certaine electronica, humble, mentale, discrète et fière de l'être. Manifestement bien équipé en galettes d'Arovane, Phtalo, Schematic et affiliés, le Canadien Sam Hatzaras ne s'embarrasse d'aucun beat à la mode sur sa première cassette pour le label français dirigé par Richard Frances et ça nous fait forcément plaisir. MF
Herz Chain "Lacs" (Clapping Music)
Derrière cet étrange blaze tiré d'un générateur d'anagramme, on trouve Raphaël Séguin, ancien pourvoyeur d'electronica fine sous le nom d'Erich Zahn malheureusement beaucoup trop occupé à lire des bons livres et à capter la musique des autres pour terminer des disques à nous faire écouter. Sous l'insistance de Clapping Music, il a tout de même terminé ce six titres vaste et généreux de synth music de chambre, dont les atmosphères riches et profondes le disputent aux timbres, duveteux, très comestibles et soignés. Du travail d'orfèvre, donc, qui ravira tous les bouffeurs de vieilleries new age venues du désert californien du début des années 80, mais aussi les suiveurs très exigeants du minimalisme solaire de Terry Riley. MF
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de nos cookies afin de vous offrir une meilleure utilisation de ce site Internet.