Voilà maintenant huit ans que Cheveu cumule en guise de critiques les plus malheureux adjectifs capillaires de la part de qui s’aventure à décrire ce projet hirsute (oops, c’est sorti tout seul). C’est dire si les portes d’entrées dans l’univers dérangé de ce trio d’origine bordelaise sont minces. Leur chanteur David Lemoîne, nous explique en substance dans cette interview que Cheveu serait le résultat d’un jeu de force entre ses trois membres, au cours duquel chacun tirerait la couverture vers soit, laissant la place à un chaos sonique, devenu en trois disques une véritable marque de fabrique.

Punks off tracks, abonnés à une esthétique ultra-DIY, et difficilement affiliables à un son particulier dans le paysage actuel, les auteurs cet apparent bordel amorphe viennent pourtant de donner naissance à un troisième long-format, sauvage, fascinant, et d’une rare sophistication, chez l’écurie parisienne Born Bad. Au cours du long périple qu’a du être la production de ce disque, le trio est notamment parti baronner à Tel Aviv se payer les services de musiciens de l’orchestre national d’Israël! Avec 1000 (pochette ci-contre), ils réussissent ainsi le pari absurde de mélanger sans complexe furie electro-punk et arrangements symphoniques, à singer Vanilla Ice dans une reprise délirante de Ice Ice Baby, à sortir le tube punk de ce début d’année portant le nom de l’acteur phare d’Hot Shot, et à signer la B.O. du trailer d’un film avec Olivier Gourmet… Ca laisse rêveur.

Pour entrer dans l’univers barré de Cheveu, nous avons quand à nous demandé à interviewer leur chanteur David. A défaut de pondre la bio définitive du groupe, notre modeste entretien lève relativement le voile sur l’obscure combo. Jeune homme de bonne famille donc, il grandit à Bordeaux au milieu de disques de Steve Reich, et d’enregistrements de musique sérielle, alors qu’il se découvre une fascination pour le chant… à la messe. Une passion qu’il développe en autodidacte, et qui l’emmène des années plus tard à monter chorales sur chorales, tantôt avec des enfants handicapés mentaux, des sans-abris, ou des taulards! Autant d’expériences humaines qui doivent valoir leur pesant d’énergie ou, comme il l’énonce lui-même “de chaos”, et qu’il réinjecte dans son groupe … et pour ceux qui se demande encore où nos trois membres de Cheveu cherchent l’inspiration, notre sujet est juste ci-dessus.

photo – Marie Alègre