La légende court en Angleterre que Ben Edwards a le studio le plus incroyable du monde. Practicien depuis le milieu des années 90 d'une sorte d'IDM du milieu, humble, discrète et souvent très estimable, le gars a vraisemblablement passé tous ses week-ends depuis 20 ans à écumer les vide-greniers de Grande-Bretagne, jusqu'à se constituer la collection de vieux synthés la plus incroyable du pays. En langage nerd, le syndrome (et plutôt typique des musiciens entrant dans la trentaine) dont il souffre est assez classique: ça s'appelle le "G.A.S." (pour "gear acquisition syndrome") et plus ou moins tous les musiciens en souffrent à partir de la trentaine. Mais dans son cas, ce fut surtout un bel investissement. Depuis qu'il a fait paraître en 2008Twenty Systems, collection de vingt miniatures réalisées avec vingt des plus beaux monstres de sa collection (du VCS3 d'EMS au Synclavier), il a accueilli le vétéran John Foxx dans son studio et sa cote de producteur a joliment grimpé. Dans les milieux autorisés des collectionneurs bedonnants de synthés surtout, l'Anglais est devenu un dieu vivant.
Joyeusement, donc, Ben Edwards poursuit son exploration industrieuse de l'âge d'or des instruments électroniques, à mi-chemin de la conservation et de la pédagogie: sur Youtube d'abord, où il présente à l'image et en condition des demos de ses travaux en cours; sur Bandcamp ensuite, où il entamé une série d'expériences sur interfaces uniques appelée FORMS. Le premier volume était consacré au Buchla 100, modulaire historique conçu la même année que le premier modulaire de Moog sur lequel Morton Subotnick a imaginé le mythique Silver Apples Of The Moon (oui, oui, le nom du groupe vient de là); le deuxième qui fait l'objet de cet article s'aventure un peu plus effrontément sur les terres moins populaires de la synthèse digitale puisqu'il a été entièrement conçu sur Ensoniq EPS, un sampler/station de travail de 1985 dont l'argus actuel n'atteint pas encore les 200 euros.
En fétichiste accompli, Edwards a poussé le vice jusqu'à remplir sa mémoire avec la banque de sons du Mirage, autre synthé échantillonneur de la firme Ensoniq qu'il possédait dans sa jeunesse, à s'enregistrer sur bande et à programmer artwork et vidéo en BASIC sur ZX Spectrum, équivalent britannique du Commodore 64. Et ce qu'on réalise (une nouvelle fois) à l'écoute de ces adorables petites pièces, c'est à quel point la qualité et les couleurs de nos rêveries d'antan dépendaient de la qualité et des couleurs des sonorités qui sortaient de ces petites machines en plastique. Plus qu'une curiosité à streamer, Form2 servira par exemple idéalement à tous les râleurs - diggers qui trouveraient que la Cosmic Machine ourdie par Because et le digger Uncle O pour célébrer la disco sci-fi synthétique de France sent un peu le réchauffé.
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