Le Berghain, Ostgut Ton, Ben Klock: si on devait absolument, impérativement, impérieusement réduire à une sainte trinité la techno de notre temps et son retour inespéré dans les habitus culturels de la jeunesse occidentale, on voit mal comment on pourrait trouver plus juste et plus emblématique que ces trois là.
Pour le club, c'est une évidence: sacrée au moins une fois par an "temple de la techno allemande" (donc de la techno mondiale), la fameuse centrale de Friedrichshain reste l'horizon ultime de tous les clubs de la planète au point qu'aucun troll d'aucun pays n'oserait affirmer le contraire en commentaire de quelque site sur la musique que ce soit (on touche du bois). Pour le label, ça se discute déjà un peu plus; personne ne contestera pourtant au label maison du club berlinois le symbole de solide radicalité qu'il en est venu à représenter. Ben Klock, enfin, puisque c'est de lui qu'il s'agit dans cet article: on a beau se creuser les méninges, on arrive pas à mettre la main sur une figure de DJ producteur plus positive et plus robuste pour évoquer ce qui importe dans la techno en 2014.
On l'affirme d'autant plus sereinement que l'Allemand n'est pas une icône aisée. La musique qu'il joue, déjà, est remarquablement rétive et jusqu'au boutiste pour un DJ de sa notoriété: de la techno dure, pure, pas dénuée d'air et d'inflexions dub ou house mais toujours droite comme un officier de la Bundeswehr dans ses bottes et son purisme. Sa carrière, ensuite, a mis une petite éternité à décoller. Débarqué sur la scène minimale à la fin des années 1990 sous le nom de Ben E. Klock, le Berlinois a longtemps zoné à l'arrière-garde du BPitch Control d'Ellen Allien (notamment le sous-label Memo), défendant au Tresor ou au Cookies les couleurs d'une minimal sans doute un peu trop générique pour lui permettre d'accèder au sérail des DJ médiatisés. Puis l'electroclash est arrivé, et la nuit Berlinoise a changé de visage au point d'en dégouter Klock, qui s'est retiré du game pendant plusieurs années.
La rédemption est donc arrivée en 2004 avec l'ouverture du Berghain, et à la lame de fond que le club, son esprit et son équipe de résidents (Marcel Dettmann, Marcel Fengler, Nick Höppner) ont provoqué au sein de la techno européenne. Porté par ce vent de radicalité, Ben Klock est devenu l'un des plus grands DJs du monde (en tout cas l'un des plus révérés) et s'est mué en l'un des producteurs techno les plus singuliers et les plus passionnants de l'époque. Autour de son fabuleux One de 2009 (sans conteste l'un des plus beaux albums techno des années 2000), tous les maxis qu'il a sortis depuis Czeslawa / Warszawa ont quelque chose d'unique et d'un peu bizarre à vendre, au point que sa propre musique en est venue à ressembler à une anomalie dure à expliquer dans le contexte de son incroyable succès de DJ. Au-delà de son statut de star glamour de l'underground berlinois, il fallait donc absolument qu'on interviewe Ben Klock: pour l'affection sans bornes qu'on porte à sa musique, pour le symbole et pour la postérité.
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