Il y a quelque chose de très opportun à ce qu'un musicien du circuit pop s'attaque de nouveau à In C en 2013. Oeuvre fondatrice de la musique répétitive composée par Terry Riley en 1964 sous l'influence conjointe de LaMonte Young et de Pandit Prân Nath, cette queue de comète de l'avant-garde américaine a littéralement explosé en tombant dans le giron de la pop et de la contreculture pour ne plus jamais cesser d'y faire des vagues: du Velvet Underground à la musique synthétique en passant par le post rock ou la techno, tout le psychédélisme des années 60 à nos jours lui doit de près ou de loin quelque chose. Mais ce qui nous intéresse, c'est que son prestige et son influence ont redoublés ces dernières années: de Dan Deacon à James Holden, d'Emeralds à Matmos, le psychédélisme sec et solaire de ce fleuron de la musique ouverte n'a jamais été aussi directement présent dans la pop de son temps.
Troisième pilier trop, trop mésestimé de Portishead, Adrian Utley y a en tout cas trouvé une manière enthousiasmante de s'occuper entre les révisions de synthés et les sessions ponctuelles de brainstorming avec Geoff Barrow: "Ça fait longtemps que j'explore les possibilités soniques des guitares en masses, du pur noise jusqu'à la musique sacrée d'Arvo Pärt. (...) J'ai d'abord joué l'oeuvre avec Will Gregory, Charles Hazlewood et quelques amis qui guidé pour l'appréhender. C'est là que j'ai commencé à en comprendre la beauté, les complexités, et le concept incroyable de Terry Riley. Puis je me suis dit que j'aimerais beaucoup recommencer mais seulement avec des guitares. Et que le feeling serait plus hypnotique si on ralentissait le tempo et limitait la palette d'instruments".
Bingo, la version qu'Utley et son armada de musiciens (19 guitaristes dont John Parish et Jim Barr du Portishead live band, ainsi que 4 organistes et un clarinettiste) est non seulement d'une évidence confondante de beauté, mais elle expose instantanément ce que la no-wave visionnaire de Glenn Branca et Rhys Chatham et les trois décennies de rock expérimental qui ont suivi (même pas peur, on trace un gros trait qui va de Sonic Youth jusqu'à Godspeed You Black Emperor!) doivent à la partition de Riley et à son dispostif machiavélique de simplicité et d'efficacité. Enregistré en public à Bristol, plus rigoureux que celle des acid freaks d'Acid Mothers Temple et moins clinique que celui du Bang on a Can, cet In C là est merveilleux et surtout idéal d'actualité. L'Invada de Geoff Barrow nous a donné l'autorisation de vous le streamer en entier.
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