Le fait que Cornelius ait été comparé toute sa carrière à Beck (du moins par la presse anglo-saxonne, toujours terrifiée de penser que ce qui dépasse l'Occident ne dépend pas d'elle) est un sacré malentendu. Là où l'ancien cool kid devenu scientologue mort à l'intérieur s'époumone pour nous divertir (slash "nous faire danser") et nous prouver qu'il est capable de rejouer tout et n'importe quoi, le bientôt quinquagénaire japonais ne peut plus être taxé de grand chose d'autre que de faire une musique dont il a défini seul le territoire. Fantasma portait bien le nom d'un rêve de jeunesse: toucher avec la même gouaille à beaucoup/tous les styles de la pop music moderne et en faire un gigantesque "cut-up". Depuis passé par une case arty mais jamais lourde (l'art sonore de Drop), Cornelius a réussi à toucher le Saint Graal: une maturité musicale indéniable illustrée par songwriting parfaitement digeste, gentiment référencé mais surtout totalement personnel.


Mellow Waves arrive à point nommé pour ré-affirmer le talent de Cornelius pour les pop songs irréelles entre héritage nippon (un Harumi Hosono qui aurait pris de la Ritaline), classic rock US (Steely Dan n'est jamais loin) et ambient (sur le très beau "Surfing On Mind Wave pt.2", la "pt1" se trouvant sur la BO de Ghost In The Shell Arise). Au moment où toute la scène indie mondiale (de Mac De Marco à Moodoïd) y va de sa petite redécouverte de la pop japonaise (ne paniquez pas il y a 10 ans c'était l'afro beat), Cornelius sort un disque en phase totale avec ses envies de postérité (ambition ou prétention, on vous laissera juge) et un jenfoutrisme gaillard loin des poses slackers. Une jolie façon de dégommer la jeune concurrence qui vient frapper à sa porte et de sortir par la même occasion le plus joli disque de synth pop de ces 6 derniers mois.


Adrien Durand


Mellow Waves est de la trempe des grands disques innovants des décennies précédentes par sa densité et sa prétention. C'est con mais Cornelius a simplement fait un album de pop décloisonnée. Je ne suis pas franchement étonné de ça et j'imagine que les personnes connaissant un peu la discographie du gars non plus, le japonais  est plutôt connu pour ses expérimentations à la fois technologiques et esthétiques.


Le truc, c'est que Cornelius vieillit très bien, il en rajeunirait presque. Pourtant, sa musique a quelque chose d'un peu désuet, des relents d'electronica venue d'une autre époque ou des solos de guitare à hérisser les poils de Mark Knopfler, même parfois l'impression d'entendre une démo de plugins Protools à la Musikmesse tant ce disque est du miel pour les oreilles. Là, on se dit évidemment que le disque a l'air un peu pourri si on s'arrête à cette description ma foi fort malvenue. Vous avez tort et il est important d'en avoir conscience. Cornelius met tous ces éléments et d'autres au service d'une pop dans son appareil le plus pur. Les chansons de Mellow Waves sont belles, merveilleusement écrites, elles marchent sans toute la production et les arrangements qui vont avec. Les mélodies et suite d'accords sont savantes mais à l'envers du snobisme. On ne cherche pas à mettre des accords bizarres simplement pour se la raconter et rajouter par dessus des mélodies trop complexes pour se souvenir de celles-ci. J'imagine que ce n'est pas la volonté de Cornelius et qu'il va même à l'encontre de cela. Pour faire corporate : Cornelius fait une musique qui est accessible à tous sans pour autant se brider. L'important n'est que le résultat, la beauté et les sensations qui en résultent. 


Maxime Dobosz

Cornelius 『あなたがいるなら』If You're Here

Cornelius 『夢の中で』 In a Dream